Patrimoine
Les Tours de Saint-Laurent
Classées Monuments historiques depuis 1889, les Tours de Saint-Laurent ont depuis longtemps suscité un intérêt patrimonial.
Perché au-dessus de la vallée de la Bave et de la ville de Saint-Céré, le château fort des vicomtes de Turenne est composé d'un logis et de deux hautes tours féodales des 13e et 14e siècles.
La plateforme sur laquelle se dresse le château est occupée depuis plus d'un millénaire. Un imposant castrum s'y développe durant le Moyen Âge et les édifices qui s'y trouvent ont évolué au cours du temps. Du château médiéval, seules deux tours et les vestiges d'un logis sont conservés aujourd'hui.
Vue aérienne du château.
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Du château médiéval à l'atelier-musée Jean Lurçat
Ce château connut une histoire mouvementée, traversa bon nombre de conflits jusqu'à sa ruine lors des guerres de religions. Vendu en 1738 par les vicomtes de Turenne, seigneur du lieu depuis 1178, le château reprend vie à la fin du 19e siècle par la reconstruction de son logis dans un style néogothique par Lafon de Verdier. Lorsque le peintre et tapissier Jean Lurçat le découvre, il décide de l'acheter et d'y installer son atelier en 1945. Après sa mort en 1966, le château est converti en musée où y sont exposées les œuvres de l'artiste.
Un château millénaire
Carte postale du début du 20e siècle.
Vue du château en 2018.
Une forteresse apparaît dans les textes à partir du 10e siècle. Elle est établie dans la seigneurie de Saint-Céré aux mains des comtes d'Aurillac puis des comtes d'Auvergne, du 10e au 12e siècle. En 1178, la châtellenie de Saint-Céré passe par donation du comte d'Auvergne au vicomte du Turenne Raymond II. Les vicomtes en resteront les suzerains jusqu'au 18e siècle.
À partir de cette forteresse se développe le castrum de Saint-Céré. Au Moyen Âge, un castrum est un lieu d'habitat fortifié partagé entre le ou les seigneurs et les militaires. Ici, le castrum de Saint-Céré était partagé entre différents seigneurs locaux qui répartissent les tâches entre leurs vassaux ou sujets (la garde, l'entretien de la fortification, etc.).
Les sources mentionnent l'existence d'une "tour blanche" appartenant à Aymeric de Saint-Céré, le co-seigneur le plus puissant du castrum au 12e siècle. Cependant cette "tour blanche" aurait complètement disparue avant l'édification des deux tours actuelles à partir du 13e siècle.
Saint-Céré ou Saint-Laurent-les-Tours
Aujourd'hui, Saint-Céré évoque la commune située en contrebas du château de Saint-Laurent-les-Tours. Mais cette commune n'a pas toujours porté ce nom. Le village qui en est à l’origine s'est appelé Sainte-Spérie ou Sainte-Espérie. Le nom de Saint-Céré était quant à lui dévolu au pech voisin dominé par un castrum connu aujourd'hui comme le château.
La commune prend son nom actuel au tournant des 16e et 17e siècle lorsque le castrum était en ruine alors que la ville en contrebas poursuivait sa croissance. Quand au pech accueillant le castrum, il est qualifié au 17e siècle de "Tours de Saint-Laurent", dont le vocable renvoie à l'église paroissiale la plus proche.
La tour romane dite "la Tour vieille"
Tour romane vue depuis l'est, en 2014, avant les travaux de restauration du sommet.
L'analyse architecturale permet d'affiner la datation de la construction et indique que la tour a été construite en plusieurs étapes successives à partir du 13e siècle.
Ainsi, l'arrêt des contreforts marque la fin de la première campagne de construction, comprenant quatre niveaux, correspondant à une cave, un vestibule et deux salles dont la dernière est voûtée en berceau. Cette partie serait élevée à la fin du 12e ou au début du 13e siècle par Raymond de Turenne afin d'affirmer symboliquement son pouvoir sur la seigneurie.
La tour serait ensuite surélevée au cours du 13e siècle cependant les récents travaux de restauration du sommet ont révélé l'existence de deux niveaux supplémentaires pouvant être datés du 14e siècle.
La tour gothique dite "la Tour maîtresse"
Tour gothique vue depuis le sud-ouest.
À l'extrémité ouest du castrum, près du logis seigneurial, se dresse une autre tour. Haute de 35 mètres, cette tour dite « Tour maîtresse » ne comporte pas de contrefort et ses ouvertures sont plus nombreuses que celles de la tour romane.
Elle comporte un niveau inférieur servant de cave puis quatre niveaux voûtés : le rez-de-chaussée en berceau en plein cintre, les 2e et 3e étages sont couverts d'une voûte d'ogives, et le 4e étage est couvert d'un berceau brisé.
Les armoiries écartelées de Beaufort et Turenne ornant la clef de voûte de la salle noble du 1er étage permettent d'attribuer à Guillaume Roger III, comte de Beaufort (nouvelle lignée des vicomtes de Turenne), la construction de la tour maîtresse, qu'il faut donc situer dans le 3e quart du 14e siècle.
Le logis seigneurial
Logis vu depuis le sud.
La partie résidentielle du seigneur se situe dans la partie nord du castrum. Elle a été très remaniée au fil des époques. Attribué à la fin du Moyen Âge, la date exacte de construction du logis reste toutefois inconnue. Les vestiges du logis médiéval sont visibles dans la partie inférieure du manoir.
Lorsque Lafon de Verdier achète le château en 1894, il fait reconstruire le logis en intégrant une partie de la construction médiévale. Le logis des vicomtes de Turenne devient alors un manoir néo-gothique.
Le peintre Jean Lurçat a également laissé sa marque dans l'édifice. Après y avoir installé son atelier en 1945, il en décore les murs, les plafonds et les menuiseries des portes et des fenêtres. Converti en musée, le château présente aujourd'hui de nombreuses tapisseries, peintures et céramiques réalisées par l'artiste entre 1945 et 1966.
Un théâtre d'affrontements
Symboles du pouvoir féodal, les tours sont aussi avec les fortifications du castrum des éléments de défenses du lieu. Querelles entre seigneurs, attaques de mercenaires, guerre de Cent Ans, guerres de Religions, etc., le château de Saint-Laurent a régulièrement été le théâtre d'affrontements parfois meurtriers.
Ainsi, en 2023, les archéologues du Département du Lot ont sorti de terre les restes d'un squelette humain hors des zones habituelles d'inhumation. Le carreau d’arbalète encore planté dans son crâne laisse peu de doute sur les causes de sa mort. Daté par carbone 14 entre 1156 et 1263, le squelette serait celui d'un homme tué lors d'un des multiples conflits entre la fin du 12e et le 1er quart du 13e siècle. D'après les spécialistes, cet individu ne serait ni un homme d'armes, ni un personnage de haut rang, d'après l'absence d'équipements retrouvés et le soin minimal apporté à son inhumation.
Photographie et reconstitution du crâne transpercé par le carreau d'arbalète.