Archéologie
Des investigations archéologiques au château de Taillefer à l'occasion de sa restauration
Archéologues fouillant au château de Taillefer, commune de Gintrac.
Le château de Taillefer, qui constitue l’une des pièces maitresses du patrimoine castral médiéval lotois, a été restauré par la commune de Gintrac en 2024, avec le soutien du Département du Lot.
A cette occasion, des investigations archéologiques ont été réalisées par la cellule d'archéologie départementale, permettant de compléter nos connaissances sur l’histoire et l’architecture du château de Taillefer.
Un diagnostic archéologique a été réalisé en 2019, lors duquel plusieurs sondages ont été effectués. Le suivi archéologique des travaux de restauration s'est terminé au début de l’année 2024.
Vue drône du château de Taillefer, commune de Gintrac.
Une localisation privilégiée
Perchée sur la bordure nord du causse de Gramat, le château de Taillefer domine le village de Gintrac et plus largement la vallée de la Dordogne. Cette situation privilégiée offre un point de vue remarquable.
Il s’agissait d’un emplacement stratégique pour asseoir l’autorité seigneuriale sur un territoire très prisé, et pour surveiller et contrôler le commerce sur la rivière Dordogne.
Vue depuis le château de Taillefer, commune de Gintrac.
Vue drône du château de Taillefer, commune de Gintrac.
L'organisation du château
Au delà de la vue imprenable du lieu, le site offre une fortification naturelle. Le château est situé sur promontoire rocheux, qui bloque l'accès au plateau par l'Est. Au Sud un fossé sec vient compléter cette fortification naturelle.
La porte d'entrée du château était également fortifiée. Elle était surmontée d'une bretèche (petit ouvrage défensif qui s'avance au dessus d'une porte), et un imposant mur en éperon venait compléter la défense de la porte.
Organisation du château de Taillefer.
Un rez-de-chaussée consacré à la défense et aux activités domestiques
Une terrasse donnait accès au logis, lequel est divisé en deux parties distinctes. Chacun des espaces ainsi définis avait une vocation sans équivoque. La partie sud du château a une fonction militaire, vouée à la défense du lieu comme en témoignent les chambres de tir et les archères cruciformes protégeant la porte du château. La partie résidentielle située au nord comprend un rez-de-chaussée dévolu à un usage domestique comme le suggèrent les différents attributs de cuisine conservés : cheminée à linteau de bois, évier, large placard.
Plan du château de Taillefer (d'après plans de Gilles Séraphin, avril 2007).
Archères situées dans le mur sud du château
Cheminée située dans la partie nord du château
Placard mural, château de Taillefer, commune de Gintrac
Un niveau supérieur noble
L’aménagement du niveau supérieur indique qu’il s’agit d’un étage noble doté d’une cheminée en pierre, encadrée de colonnes et de chapiteaux, de latrines et de plusieurs fenêtres.
Pendant les travaux de restauration, les archéologues ont pu profiter des échafaudages pour aller voir d’un peu plus près les maçonneries situées en hauteur. Cela a permis d’approfondir nos connaissances sur plusieurs structures jusqu’à lors peu accessibles. Ainsi, les vestiges d’arc, situés au premier étage et supposés correspondre à une fenêtre, se sont révélés être ceux d’un placard. Couvert d’un arc brisé, il était doté de deux tablettes de bois et de petites niches ménagées dans les panneaux latéraux.
Chantier de restauration du château de Taillefer à Gintrac en 2024
Ruines du château de Taillefer.
Une occupation de courte durée
Le style des moulures, des cheminées et le dispositif de défense nous permettent de dater le château du milieu du 13e siècle.
Son occupation a été de courte durée : moins de 200 ans entre les 13e et 14e siècles, comme le suggère l’absence de reprise dans les maçonneries. Cet écart restreint associé à l’abandon du site fait écho à un contexte géopolitique complexe qui, dans la vallée de la Dordogne, se traduit par des luttes de pouvoir, souvent à des fins commerciales, et dans une région lourdement impactée par les conflits franco-anglais des 12e-13e siècles.
Un château des barons de Gramat ?
Si les pierres parviennent à nous livrer nombres d’informations sur cette construction, les sources archivistiques sont, en revanche, plus discrètes. En effet, à ce jour, aucun document ne permet de certifier à quel seigneur il appartenait, mais les investigations archéologiques nous apportent de précieux indices.
Au début du 13e siècle, la vallée de la Dordogne et ses abords sont divisés entre plusieurs puissances, notamment les seigneurs de Bétaille, de Castelnau-Bretenoux, de Turenne basés à Saint-Céré et ceux de Castelnau-Gramat. L’aspect très morcelé du territoire vient de l’attrait pour les axes de communication qu’ils soient routiers ou fluviaux, et surtout de leurs intérêts commerciaux en lien avec le développement des pèlerinages, celui de Rocamadour dès la moitié du 12e siècle, et le transport de marchandises comme le précieux sel. De nombreux ports ponctuaient les rives de la Dordogne, dont ceux de Creysse, de Gluges, de Copeyre ou encore le port du Sal à Gintrac connu dans les textes depuis le 10e siècle.
En 1259, le baron Hugues de Castelnau de Gramat rend hommage au comte de Toulouse, Alphonse de Poitiers, dans la roque d’Autoire. Le document détaille les possessions du baron, parmi la vingtaine de biens figure Gintrac, mais il ne précise pas la présence du château. Les données archéologiques collectées confirment une installation du château dans le courant du 13e siècle. Aussi, on peut supposer que la construction de la fortification a été à l’initiative des barons de Gramat, alors possesseurs de Gintrac.
Armes des seigneurs de Castelnau-Gramat
Départ d'arc, château de Taillefer, commune de Gintrac
Un projet d’extension jamais concrétisé
L’amorce d’un arc situé à l’angle sud-ouest du logis indique la présence d’une porte. Pour autant, les sondages réalisés sur la bordure ouest du logis n’ont mis en évidence aucune maçonnerie en lien avec ces vestiges. Aussi, en l’absence de construction dans cette zone, les quelques claveaux en saillie paraissent indiquer un projet d'extension, projet prévu dès la construction du château mais qui n’a jamais abouti.
A la fin du 13e siècle, les barons de Gramat vont rapidement perdre en puissance. Le projet d’extension repéré lors des investigations archéologiques peut être le signe d’un contexte financier affaibli, ce qui est le cas de la seigneurie de Gramat dans le troisième quart du 13e siècle. En effet, en 1287, lors d’une assignation de revenus faite au roi d’Angleterre, les possessions de la baronnie sont réduites de près de moitié et Gintrac n’y figure plus. Ce déclin s’accentue au 14e siècle, les barons ne possèdent plus que trois castra et quelques fiefs. En 1350, le roi de France transfère l’hommage du baron de Gramat au vicomte de Turenne. Dès lors, le port du Sal est peu à peu délaissé au profit de la puissante vicomté, déjà en maîtrise totale du trafic commercial sur Martel dès le 12e siècle, après le rachat de la vicomté de Brassac.
Les ruines du château de Taillefer sont aujourd'hui accessibles au public et se visitent en accès libre.
Visiter le château de Taillefer