Patrimoines
Guide pratique :
Technique de construction en pierres sèches
Caselle à Marcilhac-sur-Célé
Fruit de l’épierrement des parcelles cultivées, les constructions dites « à pierre sèche » (car n’utilisant aucun mortier) sont des éléments identitaires de nos causses particulièrement menacés. En effet, faute d’entretien, ce petit patrimoine se dégrade rapidement et la moindre intervention, normalisation de la largeur d’une route ou extension d’une surface exploitée, conduit le plus souvent à leur destruction. Ainsi, à chacune de ces interventions, c’est un morceau d’histoire et d’identité local qui se perd.
Ce guide est conçu pour apporter une aide précieuse à toute personne soucieuse de restaurer et entretenir les murets et leur petit patrimoine associé (compte-mouton, passage à berger, entrée de champs, etc).
Avant de commencer
Les outils du bâtisseur à pierres sèches
L’outillage indispensable à la maçonnerie sèche est limité mais doit être adapté à la nature du matériau utilisé. Outre l’outillage traditionnels (gants, pioche et fourche de cantonnier, pelle, barre à mine), il convient de s’équiper pour assurer :
- La manutention (brouette)
- La taille de la pierre (massette, marteaux têtus, ciseaux à pierre) qui, parfois, peut être nécessaire pour lui donner une forme plus conforme à l’emploi qu’on lui réserve,
- L’alignement de l’édifice (cordeau, piquets, fil à plomb).
Consignes de sécurité
Ces travaux nécessitant un engagement physique conséquent, il semble utile de rappeler certaines consignes de sécurité et de confort primordiales pour éviter les accidents et les efforts inutiles.
Pendant l’effort, rapprochez-vous le plus possible du poids à soulever. Accroupissez-vous à chaque fois que cela est possible et travaillez avec les cuisses plutôt qu’avec le dos.
Enfin, afin de travailler en toute sécurité, il est indispensable de disposer de chaussures de sécurité, de lunettes (lors de la taille des pierres), de vêtements de travail adaptés ainsi que d’une trousse à pharmacie.
Les matériaux
Avant toute chose, il convient de s’assurer que l’on dispose de matériaux en quantité et en qualité suffisante pour assurer l’approvisionnement du chantier. Si le matériau adéquat n’est pas disponible à proximité, il conviendra de prendre contact avec un agriculteur ou une entreprise locale de travaux publics pour connaître les lieux propices à la fourniture de pierres (pierres ramenées à la surface à l’occasion des labours ou affleurement rocheux exploitables).
Dans un souci de préservation de ce petit patrimoine rural, on évitera de prélever des matériaux sur des ouvrages existants (sauf dans le cadre d’une restauration).
L’organisation du chantier est une étape fondamentale puisqu’elle permet :
• La recherche et le trie des différents matériaux nécessaires à chacune des étapes de la construction du mur ( développées ci-après),
• Un stockage judicieux à proximité de l’aire d’intervention facilitant la circulation sur le chantier (un espace minimal d’un mètre doit être conservé entre les aires de stockage et d’intervention) tout en limitant la manutention et prenant en compte la progression du mur.
Bâtir un muret
Etape 1 : la base du mur
La première action consiste à préparer la base du mur ou semelle. Il s’agit de garantir au mur une tenue dans le temps en trouvant un sol stable au moyen d’une excavation superficielle, profonde de quelques dizaines de centimètres (ce décaissement est inutile sur le rocher).
Toujours plus large que le mur qu’elle est destinée à recevoir, cette base est constituée des plus grosses pierres disponibles sur le chantier disposées en suivant l’alignement souhaité à l’aide d’un cordeau tendu entre les deux extrémités de la zone d’intervention. Si elle est en moyenne de 70 centimètres, la largeur de la semelle doit être supérieure à celle des pierres sélectionnées pour le couronnement.
La semelle doit reposée sur un sol stable et être constituée d’une succession de blocs de qualité, calés avec soin, de façon à constituer une assise uniforme et stable dont les éléments ne pivoteront pas sous le poids de la maçonnerie supérieure.
La suite de l’opération consistera à combler les espacements ainsi formés avec des pierres de qualité et stables.
Etape 2 : les assises
Une fois la base du mur solidement établie, il convient de poursuivre la pose successive de rangées horizontales de pierres (ou assises), sur toute la largeur de la zone d’intervention, en gardant une bonne régularité dans l’épaisseur des matériaux.
Au cours de l’avancement des travaux, il est indispensable :
- De disposer les pierres avec leur plus grande dimension dans le sens de l’épaisseur du mur, ou autrement dit, de placer la longueur des pierres dans la largeur du mur,
- De disposer et caler soigneusement les pierres (ou fourrures) qui servent à combler l’espace entre les deux parements jusqu’à être de niveau avec ceux-ci,
- De bien observer la façon dont les pierres sont posées afin de s’assurer du bon raccordement des différents éléments et éviter les coups de sabre ou piles d’assiette,
- D’incorporer régulièrement des pierres traversières qui, de part leur taille, raccorderont les deux faces extérieures du mur, ou parements,
- De maintenir un alignement correct en façade, suivant les courbes de relief, avec les deux parements légèrement convergents (à fruit).
L’inclinaison du parement doit se faire vers l’intérieur du mur en fruit, en tenant compte de la hauteur et de l’épaisseur du mur, mais en aucun cas vers l’extérieur en contre-fruit. Même si on compte généralement 5cm de fruit par mètre, ce calcul s’effectue surtout en fonction de la largeur des pierres destinées au couronnement. Le fruit est obtenu en réduisant petit à petit l’espace entre les deux parements mais en aucun cas, en inclinant les pierres vers l’extérieur du mur.
Chaque pierre doit être posée sur sa face la plus plate (ou lit) afin d’augmenter la surface de contact avec l’assise inférieur et assurer la stabilité de l’ensemble. Une fois posée, cette pierre doit être calée à l’aide d’éléments non friables pour ne bouger dans aucune direction.
Pour ne pas fragiliser le mur, il est impératif de croiser les joints entre deux assises successives et ceci afin d’éviter le coup de sabre (superposition de plusieurs joints) ou la pile d’assiettes (superposition systématique). En d’autres termes, l’axe centrale d’une pierre doit toujours coïncider avec la jointure de deux autres sur l’assise inférieur.
Etape 3 : l'arase et le couronnement
Si le fruit a été correctement calculé, la largeur du dernier rang de pierres (ou arase) doit être égale à la largeur des pierres sélectionnées pour le couronnement. Typiquement, l’arase est située à environ 1,10 m de hauteur et mesure 35 à 40 cm de large. Elle supporte le couronnement qui peut être constitué de pierres dressées « en râteau » à la manière d’une rangée de livres sur une étagère ou de grandes dalles horizontales d’une largeur équivalente ou supérieure à celle du mur.
Le couronnement est indispensable à la bonne tenue du mur ainsi qu’à sa longévité.
Etape 4 : la tête de mur
L’extrémité ou tête d’un mur peut être traitée de deux façons :
• en positionnant une pierre, dite de jambage, dont les dimensions correspondent à la hauteur et à l’épaisseur du mur (technique à privilégier si la tête de mur doit supporter un portail),
• en superposant des pierres anguleuses dont la longueur est successivement placée dans l’épaisseur (on parle alors de boutisses) et la longueur du mur (panneresses).
Cas particuliers
Effondrement partiel ou crevasse
Le premier travail consiste à effectuer un déblaiement en « v » de la partie écroulée jusqu’à atteindre les parties seines et stables du mur. Cette opération permet de raccorder correctement les assises successives tout en limitant les risques de superposition des joints (coup de sabre). Ensuite, l’opération consiste à restaurer la partie écroulée en suivant le profil du fruit existant, selon les règles de construction citées précédemment.
Mur de soutènement
Edifié pour résister à la poussée des terres et/ou soutenir un édifice, le mur de soutènement suit les mêmes règles de construction que celles citées précédemment à la différence qu’il est inutile d’appliquer du fruit au parement intérieur (contre le talus). Néanmoins, la construction de l’édifice ne s’effectue pas directement contre le talus. En effet, un espace doit être conservé entre le mur et le talus pour être combler progressivement par de la pierraille faisant ainsi office de drain.