Les amphibiens dans le Lot
La salamandre tachetée
Vendredi 17 octobre aura lieu l'évènement "La Nuit des Dragons", un protocole scientifique national développé depuis quelques années par la Société Herpétologique de France et le Muséum National d'Histoire Naturelle, dont l'objectif est de suivre l'évolution des populations d'une espèce fragile et protégée : la salamandre. A cette occasion, faisons plus ample connaissance avec ce petit amphibien coloré.
Description
Le plus grand urodèle de France
La salamandre tachetée est un amphibien de la famille des Urodèles, regroupant des espèces qui conservent une queue à l'état adulte, tels les tritons et les salamandres.
Elle peut mesurer de 11 à 21 cm.
Facilement identifiable avec son corps noir tacheté de jaune, elle sait aussi très bien se cacher.
Une petite créature avec de grands pouvoirs
Si elle se sent menacée, la salamandre sait se défendre ! Elle possède de petites glandes, situées derrière les yeux et sur le dos, qui sécrètent un venin laiteux, le samandarin, très toxique pour les mammifères et les oiseaux.
La salamandre a également la particularité exceptionnelle de pouvoir régénérer une partie blessée ou perdue de son corps !
Salamandre tâchetée observée lors de l'évènement "La Nuit des Dragons" dans le Lot en 2024.
Mode de vie
Habitat
La salamandre tachetée vit essentiellement dans des zones forestières (boisements mixtes ou de feuillus, bocages). Elle affectionne les endroits terrestres humides et ombragés, à proximité des sites aquatiques où elle pourra mettre bas. Ces derniers doivent impérativement être des milieux bien oxygénés : ruisseaux, sources, abreuvoirs, mares, fossés et ornières forestières.
Reproduction
La reproduction, exclusivement terrestre, a lieu entre les mois de juin et juillet. La gestation est variable et dépendante des conditions climatiques : elle dure quelques mois, s’interrompt puis reprend jusqu’à la mise bas. En effet, la salamandre est ovovivipare : le développement des œufs se fait dans le corps de la femelle, qui va à l’eau uniquement pour mettre bas les larves déjà écloses.
Dans notre région, la période de parturition (mise bas) se déroule essentiellement en mars-avril et octobre-novembre. La femelle libère dans l’eau de 10 à 55 larves, aisément reconnaissables et distinctes des larves de triton grâce à la tache claire présente à la base de chaque patte.
La métamorphose interviendra après 2 à 7 mois de vie aquatique, période au cours de laquelle les larves, opportunistes et voraces, consommeront indifféremment invertébrés aquatiques et congénères ! Puis sera venu le temps de gagner la terre ferme. La maturité sexuelle sera atteinte entre 3 et 6 ans.
Comportement et régime alimentaire
Exclusivement terrestre, la salamandre est plutôt solitaire et discrète. La journée, elle se cache sous des pierres ou des souches, dans des anfractuosités rocheuses ou des galeries de rongeurs. Elle n’entre en activité qu’au crépuscule, à la recherche d’invertébrés tels que des vers, insectes et leurs larves, limaces, araignées, myriapodes, cloportes…
L’hivernage dure généralement d’octobre-novembre à février-mars, mais il est très peu marqué lors des hivers doux. Il s’effectue dans le gîte estival ou dans un abri souterrain (grotte, galerie, cave…) qui peut accueillir plusieurs dizaines d’individus. Sa longévité maximale est estimée à 20 ans.
Salamandre dans son habitat naturel, ici au creux de bois mort humide.
Répartition départementale et protection
A l’échelle du département, la salamandre est une espèce commune qui se fait plus rare dans les zones fortement cultivées. En période de reproduction, elle est victime de la circulation sur les routes forestières.
La salamandre est une espèce protégée par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 et par l’Arrêté du 8 janvier 2021, fixant la liste des amphibiens et des reptiles représentés sur le territoire métropolitain protégés sur l'ensemble du territoire national et les modalités de leur protection.
Salamandre qui traverse les flammes, illustration du 14e siècle.
Une créature légendaire
Une forte symbolique depuis l'Antiquité
Sous leurs allures de petits dragons, les amphibiens et les reptiles fascinent, mais ces créatures ne peuplent pas seulement les forêts ou les espaces naturels… nous les retrouvons également figurés dans l’art et l’architecture.
Depuis des siècles, la salamandre est un symbole d’immortalité, de force et de régénération.
Dès l’Antiquité, des croyances merveilleuses sont attribuées à la salamandre. Le philosophe Aristote la décrit comme un animal venimeux, capable d'empoisonner l'eau des puits et les fruits des arbres rien qu’en les touchant.
Au Moyen Âge, cette créature symbolise la foi chrétienne qui ne pouvait être détruite. Elle est très présente dans l’héraldique, les bestiaires médiévaux, sur les enluminures et les chapiteaux des églises.
Monnaie de François Ier, 1/4 teston, 1515-1516, Astie, Italie.
Un emblème royal !
Le roi de France François Ier (1494-1547) a choisi la salamandre pour emblème. Elle connait un succès sans précédent sous son règne et est très fréquemment représentée à Blois, Fontainebleau et Chambord à travers la peinture, les arts du livre, l’architecture ou encore la sculpture.
La devise du roi ? Une salamandre surmontée d’une couronne, entourée de flammes, crachant des gouttes d’eau et accompagnée de l’inscription " Nutrisco et extinguo", qui signifie « je (m'en) nourris et je (l')éteins », (« je me nourris de bon feu et j'éteins le mauvais feu »).
Des murs aux plafonds, le château de Chambord ne compte pas moins de... 300 représentations de salamandre !
"La Crucifixion", bas-relief, 16e siècle.
Salamandre, détail du bas-relief, avant restauration.
Des représentations de la salamandre dans le Lot
Sculptée et dorée sur un bas-relief ...
Palais de la Raymondie, Martel
Au palais de la Raymondie, actuel hôtel de ville de Martel, se trouve un bas-relief figurant une scène de "Crucifixion".
Sur ce décor architecturé, le roi François Ier est représenté en prière, aux pieds de la vierge. Ses emblèmes sont rappelés sur chacune des bases des deux colonnes canelées : à gauche, la lettre F et à droite, la salamandre.
Datant du début du 16e siècle, cette œuvre est exceptionnelle à la fois par sa datation, son iconographie et son usage. En effet, les consuls de la ville de Martel prêtaient serment sur ce bas-relief !
Châsse-reliquaire dite de saint Namphaise, 13e siècle.
... ou œuvre d'orfèvrerie
Musée d'art sacré, Rocamadour
Cette exceptionnelle châsse-reliquaire de saint Namphaise est l’œuvre des orfèvres de Limoges au 13e siècle. Ce petit coffre en bois se distingue par ses plaques en cuivre ciselé et émaillé, et ses animaux fantastiques en relief. Avec leurs yeux formés de petites perles noires, ils ressemblent à des salamandres et sont placés sur la pente du toit de la châsse. Cette châsse se trouvait dans l'église Sainte-Madeleine de Soulomès jusqu'en 1968, avant sa conservation au sein du musée d'art sacré de Rocamadour.
Selon sa légende, Saint Namphaise était un preux guerrier, compagnon de Charlemagne, qui, lassé de la guerre décide de se retirer spirituellement dans le Quercy à la fin du 8e siècle. Il y rebâtit plusieurs monastères, dont celui de Marcilhac-sur-Célé, et creuse de nombreux lacs dans la roche pour abreuver les troupeaux : les fameux lacs de Saint Namphaise.
Accéder à la notice d'inventaire
Tout un bestiaire à découvrir
On pouvait autrefois retrouver une salamandre sculptée, surmontant la statue équestre de Galiot de Genouillac (proche de François Ier, grand maître de l'artillerie de France au cours de la bataille de Marignan), qui trônait autrefois à l'entrée de son château à Assier. D’autres salamandres peuplaient jadis des édifices lotois, se déployant, accompagnées de tout un bestiaire fantastique, sur les chapiteaux des églises romanes.
Sauriez-vous en identifier d’autres, au gré de vos visites ?