Patrimoine scolaire
Les collèges du Lot : histoire et architecture
Introduction
Entre 2017 et 2020 le Département du Lot a conduit une opération d'inventaire du patrimoine des collèges dont il a la charge. Cette étude a permis de révéler combien ces lieux d’éducation, d’apprentissage et de transmission du savoir, sont des édifices publics majeurs qui offrent un panorama de l’architecture scolaire couvrant plus de quatre siècles. Construits entre le 17e siècle et aujourd’hui, tous témoignent d’une architecture variée liée à l’évolution des politiques éducatives : ancien collège de jésuites, anciennes écoles primaires supérieures, anciens groupes scolaires des années 1950, collèges standardisés des années 1960-1970, collèges modernes du début des années 2000… Cette architecture n’est pas uniquement symbole d’une époque mais également d’une nouvelle manière de concevoir les programmes scolaires, l’aménagement de l’espace ayant toujours été étroitement lié à la méthode d’enseignement.
1. Les collèges antérieurs au 20e siècle
Collège Gambetta à Cahors : vue de la tour-clocher et de l'élévation est de la chapelle depuis la cour nord.
Sous l'Ancien Régime
Le collège Gambetta : l’ancêtre des collèges lotois
Le collège Gambetta à Cahors fait figure d’ancêtre parmi les 20 collèges publics encore en activité aujourd’hui. En effet, la partie la plus ancienne des bâtiments témoigne du collège construit par les jésuites au cours du 17e siècle, à l’emplacement même du collège Saint-Michel fondé en 1473 pour héberger les étudiants de l’université de Cahors, elle-même créée par le pape cadurcien Jean XXII en 1331. Aussi, l’édifice actuel possède-t’il une forte dimension patrimoniale, unique dans le paysage scolaire lotois, avec plusieurs ailes de bâtiments, une tour-clocher et une chapelle datant entièrement du 17e siècle, à côté desquels de nouveaux bâtiments ont été ajoutés à la fin du 19e siècle dans un style néoclassique.
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Collège d’Istrie à Prayssac : vue de la façade principale du bâtiment construit en 1903, côté rue.
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Les collèges du 19e siècle
Trois collèges - à Prayssac, Puy-l’Evêque et Montcuq - trouvent leur origine dans des établissements créés et tenus au 19e siècle par des congrégations religieuses dont le rôle et la place dans l’histoire de l’enseignement à l’échelle du Lot ont été majeurs pendant une soixantaine d’années, des années 1830 à la laïcisation.
Le collège de Prayssac
A Prayssac, en 1831, l’abbé Pierre Bonhomme – par ailleurs fondateur de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Calvaire à Gramat - ouvre un établissement d’enseignement secondaire libre renommé qui sera désormais connu sous le nom de Collège d’Istrie (en référence au célèbre maréchal Bessières, compagnon d’armes de Napoléon), appellation que le collège actuel a conservée.
Collège d’Olt à Puy-l’Evêque : vue d’ensemble depuis la cour de récréation au sud.
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Collège Jean-Jacques Faurie à Montcuq : vue de la cour et de la galerie couverte, prise depuis le nord-est.
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Le collège de Puy-l'Evêque
Le collège de Puy-l’Evêque est en partie établi dans l’école primaire de garçons créée en 1866 par les Frères des Ecoles chrétiennes dont le zèle et le professionnalisme ont même été reconnus par le ministre Jules Ferry.
Le collège de Montcuq
Quant au collège de Montcuq, c’était d’abord une école primaire de garçons créée en 1849 par les frères Marianistes avant d’être transformée en 1879 en école primaire supérieure et agrandie selon les normes de l’architecture scolaire de la IIIe République.
Ancien collège de Luzech : vue prise depuis la cour de récréation au sud-ouest.
Le collège de Luzech
Pour la période du 19e siècle, un seul établissement est une création ex nihilo. Il s’agit de l’école primaire supérieure de Luzech, inaugurée en 1886, devenue par la suite collège de l’Impernal jusqu’à sa désaffectation en 2016 suite à la construction d’un nouvel établissement. Ce bâtiment s’inscrit pleinement dans le courant de l’architecture rationaliste et des préoccupations hygiénistes de ces premières années de la IIIe République marquées par la gratuité des écoles primaires publiques, l’obligation de l’enseignement élémentaire et la laïcisation des programmes des écoles publiques sous le ministère Ferry.
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2. Les collèges du 20e siècle à nos jours
Les années 1950 à 1970 sont marquées par la construction intensive de collèges : le baby-boom, l’instauration de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (en 1959), la mixité, sont autant de facteurs qui conduisent à une explosion des effectifs dans le secondaire (entre 1949 et 1963 les effectifs scolaires triplent). C’est la fameuse période du « un collège par jour » et entre 1966 et 1975 on construit en France 3500 collèges. L’Etat, qui était alors le maître d’ouvrage de la quasi-totalité des projets, va donc imposer rationalisation et normalisation de ces constructions : le programme est désormais défini en termes de fonctionnalité et non d’architecture. La construction des collèges va alors se caractériser par l’adoption des procédés industrialisés mis au point par les industriels du bâtiment dès les années 1950 sous l’impulsion de l’Etat. L’objectif était de permettre la production en série d’éléments préfabriqués pouvant ensuite être assemblés en un temps record.
Collège du Puy d’Issolud à Vayrac : détail de la façade du bâtiment d’enseignement, prise depuis le sud.
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Collège Emile Vaysse à Castelnau-Montratier : la cour de récréation et le bâtiment d’enseignement, vue prise depuis le sud.
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1950-1975 : l'industrialisation des collèges
Cette période se caractérise par l’adoption d’un parti pris rationnel : une « barre » largement vitrée et orientée suivant l’ensoleillement et dans laquelle les classes s’alignent de chaque côté ou le long d’un couloir central. La cour, auparavant ceinturée de bâtiments scolaires, se transforme en espace ouvert entourant le bâti.
C’est à Vayrac, en 1955, qu’est lancée la construction du premier collège de la période des Trente Glorieuse, suivant les plans de l’architecte Louis Macary de Brives. Suivent les collèges de Castelnau-Montratier (1956-1958), Martel (1956-1959) et Gramat (1957-1960), conçus respectivement par Robert Armandary, architecte conseil départemental, Jacques Vaylac et R. et J. Lacombe, architectes à Figeac. Le principe de construction adopté pour l’ensemble des bâtiments est une ossature en béton armé avec remplissage en matériaux creux. Si les éléments en béton armé peuvent être préfabriqués, on ne peut encore parler de véritable industrialisation de la construction : une grande partie des murs et cloisons restent montés de façon artisanale par des entreprises locales.
La plupart de ces nouveaux établissements sont d’abord conçus comme des groupes scolaires incluant l’enseignement primaire et le cours complémentaire, avant d’être transformés dès 1959 en collège d’enseignement général, puis en collège d’enseignement secondaire en 1963, jusqu’à l’instauration du collège unique en 1975 (tronc commun pour l’ensemble des élèves du primaire au collège).
Collège les Sept tours à Martel : façade principale du bâtiment d'enseignement, prise depuis l'ouest.
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Collège Emile Mompart à Salviac : la cour de récréation et le bâtiment d’enseignement, vue prise depuis le sud-ouest.
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Collège Georges Pompidou à Cajarc : vue d’ensemble depuis le sud-est.
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La préfabrication en béton
Sept établissements (Souillac, Gourdon, Cajarc, Latronquière, Cahors, Figeac et Saint-Céré) utilisent la préfabrication en béton : une structure porteuse de poteaux-poutres en béton armé, remplie par des panneaux de béton lourd ou des panneaux « sandwichs » en aluminium et matériau d’isolation. La construction est désormais le fait d’industriels-entrepreneurs qui ont mis au point leurs propres procédés constructifs tels que la S.A.E. (Société Auxiliaire d’Entreprises) pour le collège de Figeac (1972-1973) ou Duc et Méric pour le collège de Cajarc (1965-1966) et la cité scolaire de Cahors (1969-1971).
Cité scolaire de Gourdon : vue de l'entrée principale vers 1968 (Archives nationales, 19880466/56).
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Cité scolaire de Cahors : vue des bâtiments de l'internat prise depuis le sud-ouest, vers 1970 (AD Lot, 54J1/118).
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Ancien collège d’Orlinde à Bretenoux : vue du bâtiment d’enseignement depuis l'est.
Ancien collège d’Orlinde à Bretenoux : détail de l'élévation sud-est du bâtiment d’enseignement.
La préfabrication métallique
Parmi les collèges construits suivant un procédé industrialisé, celui de Bretenoux, conçu par l’architecte parisien Paul Lagneau en 1965, est le seul à illustrer la préfabrication entièrement métallique, à la fois dans la structure portante et les panneaux de remplissage.
Economiques, faciles à mettre en œuvre, les bâtiments industrialisés métalliques vont toutefois rester minoritaires face aux panneaux de béton et aux structures poteaux-poutres de béton armé. En effet, suite à l’incendie du collège Pailleron à Paris (1973) qui avait entraîné la mort de vingt personnes, l’utilisation de structures métalliques dans les collèges est interdite en 1976.
Collège Jean Lurçat à Saint-Céré : vue de l’internat après travaux d’isolation par l’extérieur.
1975-1986 : vers la décentralisation et le renouveau architectural
Progressivement dans les années 1970 et surtout 1980, on redonne une place à la conception pour rattraper le décalage entre le projet pédagogique et la réalité architecturale. L’espace scolaire comme combinaison de salles de classe standardisées devient obsolète. L’architecture se rapproche de l’éducation. Les longues barres qui caractérisaient précédemment l’architecture des collèges disparaissent peu à peu au profit de « plots » de surface carrée, regroupés autour de patios.C’est l’exemple même du collège de Saint-Céré. Conçu par un architecte de renom, Roger Taillibert, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, sa construction est lancée en 1975 et se poursuit en plusieurs tranches jusqu’en 1982.
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Cité scolaire L’Impernal à Luzech : vue partielle des bâtiments formant le collège.
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Collège de Bretenoux : vue de l’angle sud de la cour de récréation.
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De 1986 à nos jours : les collèges de la décentralisation
Le système des trames constructives est abandonné en 1985, peu avant l’entrée en vigueur des lois de décentralisation qui transfèrent aux départements et aux régions la construction et la maintenance des collèges et lycées. Les collectivités territoriales ont alors toute latitude pour concevoir leurs bâtiments scolaires. La décentralisation, en créant de nouveaux rapports entre les élus locaux et le système éducatif, renforce l’intérêt des collectivités pour l’architecture scolaire : l’image de la collectivité se reflète dans les bâtiments qu’elle construit.
Des constructions exemplaires
Par rapport aux constructions précédentes, les collèges actuels répondent à des critères de qualités particulièrement élevés, qu’il s’agisse de leur aspect esthétique, de leur aptitude à résister au temps ou encore de l’intégration du bâtiment dans le paysage urbain. En outre, depuis le début des années 2000 les collectivités sont entrées dans une démarche de haute qualité environnementale (HQE) avec l’optimisation des performances environnementales des bâtiments. Les nouveaux bâtiments doivent désormais répondre à trois impératifs supplémentaires : offrir un intérieur confortable et sain à leurs utilisateurs, préserver les ressources naturelles, minimiser les impacts sur l’environnement. La maîtrise des flux (eau, énergie, déchets) est définie comme un objectif prioritaire.
Ces critères marquent l’avènement d’une nouvelle génération de collèges dont le premier exemple dans le Lot est le nouveau collège de Luzech ouvert en 2016, suivi de près par celui de Bretenoux en 2023.